Dans Testament, il y a quelques années, les She She Pop avaient invité leurs pères sur scène, les vrais, pour une réécriture très personnelle du Roi Lear. Cette fois, ils invitent leurs mères à travers le médium de la vidéo pour un Sacre du Printemps, mais surtout un sacre de la femme, un peu ésotérique, mais étonnement populaire qui se veut une réflexion sur le sacrifice de la mère…
Après Angelicca Liddell qui nous crachait au visage son profond mépris pour le « supplément de dignité » accordé aux mères, les She She Pop, bien que moins agressifs, dépeignent les travers de la relation mère enfant. Avec comme support l’oeuvre de Stravinski, Le Sacre du Printemps, déjà mis en scène par les chorégraphes les plus notables dont Pina Bausch et Maurice Béjart, le collectif s’attaque à une pièce d’anthologie dont il prend le contre-pied. Nullement chorégraphes, les She She Pop utilisent cette partition comme un matériau pour raconter leur propre histoire, dans une chorégraphie théâtrale qui va rarement au bout des choses. Par moment on sent une tentative de composition d’une partition corporelle (intéressante) à partir de vieilles photos, mais elle est vite avortée. Malheureusement on sent trop souvent que la musique n’est plus qu’un matériau dont le sens premier est amené ailleurs, par la force, pour un résultat bancal, parfois incohérent.
Là où en revanche les She She Pop excellent, c’est dans l’utilisation de la vidéo. Quatre écrans, quatre comédiens, quatre femmes, plus âgées qui s’installent sur chacun des écrans. Ces quatre jeunes acteurs font face aux mères devenues des personnages écraniques, modulables, dont ils gardent le contrôle. A travers des danses régressives dans des couvertures et des jeux de superpositions d’images filmées, c’est tout un fantasme d’un retour à l’enfance qui s’opère.Les quatre mères à l’écran semblent s’amuser de cette mise en scène dont elles ne semblent pas toujours comprendre le sens, mais s’exécutent sous les ordres de leurs enfants. C’est dans cette imperceptible nuance du jeu que la relation mère enfant apparait le plus, dans cette acceptation de la mère à être mise en scène dans son propre rôle par son enfant, bien plus que dans les textes, pourtant très bien écrits.
Au final c’est un sacr(ific)e de la mère auquel les She She Pop nous proposent d’assister. Un sacrifice d’amour et de haine assumé, sans retenue, sans pudeur, très enfantin, assez émouvant, mais sans grand lien avec l’oeuvre de Stravinski presque anecdotique, dans une mise en scène autonome.
photo : Dorothea Tuch